lundi 22 juillet 2019

L'assassin du marais

Autrice : Catherine Cuenca
Édition Scrineo
384 pages – 16,90€

Avril 1849. Alors que les élections législatives de la toute jeune IIe République se préparent, des femmes courageuses et indépendantes sont retrouvées mortes, assassinées dans différents lieux de Paris. Tout indique qu’elles ont été victimes d’un seul et même tueur.

L’inspecteur Alexandre Delage est chargé de l’enquête. Aidé par Léa, une spirite à la sensibilité hors du commun, et par Julie, farouche employée d’un grand magasin dont la meilleure amie fait partie des victimes, le jeune policier met tout en œuvre pour démasquer l’assassin.

Mais les crimes se multiplient et celui-ci semble insaisissable…


Mon avis :

Une enquête policière en plein éveil féministe ? Je dis oui ! L’assassin du marais nous propulse en 1849, alors que les élections législatives de la deuxième République se préparent. Et cette fois, une femme tente de se présenter ! Jeanne Deroin se place comme le fer de lance d’une vague féministe qui tient à faire évoluer l’égalité des sexes. Et bien entendu, cela n’est pas du goût de tout le monde, en particulier des hommes. Il y a ceux qui les dénigrent dans les journaux, ceux qui les huent pendant leurs prises de parole... et ceux qui les tuent. De nombreuses femmes sont violemment assassinées, des femmes aux idées et aux mœurs qui dérangent. 

Not all men, heureusement. Alexandre Delage, un jeune inspecteur, prend l’affaire très à cœur, contrairement à ses collègues. Il s’inquiète, s’implique et n’hésite pas à bien s’entourer pour retrouver le meurtrier. Julie, amie d’une des disparues, et Léa, médium à ses heures perdues, lui viennent volontiers en aide. Les deux jeunes femmes se lient d’amitié et enquêtent de leur côté, sans se reposer sur l’homme de la situation. Julie est une travailleuse indépendante et émancipée, qui s’est libérée de la tutelle paternelle et refuse de se jeter dans les bras du premier galant qui voudrait bien d’elle. Quant à Léa, elle est mère et divorcée. Une espèce rare à l’époque, d’autant qu’elle est belle et donc forcément fautive. Le récit de Catherine Cuenca s’émaille aussi de vrais personnages historiques, de femmes qui ont tenté de faire évoluer la condition de leurs consœurs. Nos protagonistes vont donc croiser le chemin de Jeanne Deroin ou de de Désirée Gay, entremêlant leur histoire à celle des personnages du roman. L’autrice vous laissera même des fiches en fin de roman pour vous les présenter plus amplement. Elle fait la part belle aux femmes, réelles ou non, qui sont au cœur de l’histoire et sur le devant de la scène : engagées, politisées, actives… et victimes. 

Ah je sais, cette chronique est salée, mais les injustices subies par les femmes du roman font douloureusement échos à ce que l’on vit encore aujourd’hui. Il est plaisant de voir que les combats commencés il y a cent soixante-dix ans ont réussi à trouver certaines issues favorables, que ces femmes fortes ont su faire entendre leur voix. C’est grâce à leur courage et leur mise en avant – et en danger – que nous pouvons voter, avoir un compte en banque ou avorter. Mais le roman traite de féminicides, de femmes tuées parce qu’elles sont des femmes. Nous sommes en 2019 et cette année, on décompte déjà plus de soixante-dix féminicides en France. Alors oui, ce roman jeunesse, policier et teinté de fantastique est une jolie découverte, un beau moyen de montrer que les choses ne sont pas parfaites mais qu’elles évoluent, que les femmes peuvent se battre et obtenir justice. Mais c’est aussi un roman engagé, au fort message politique, qui ne pourra qu’intéresser les féministes en herbe et provoquer des discussions passionnantes avec les jeunes auxquels il s’adresse. 

L’assassin du marais est un bon roman, à la fois divertissant grâce à son intrigue bien ficelée (dont le dénouement ne prendra pas forcément par surprise le lecteur ou la lectrice averti∙e) mais aussi porteur d’un message fort et important. Le roman n’est pas exempt d’humour et laisse la place aux scènes d’amitié et d’amour fleurissant, n’oubliant pas de donner vie à ses personnages crédibles et attachants. Un livre prenant qui fait réfléchir !

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