Autrice :
Charlotte Bousquet
Éditions
Scrineo
304
pages – 17.90€
Trois
ans, déjà.
Trois
ans qu’Anis court pour ne plus qu’on la rattrape.
Trois
ans que Nora a préféré ralentir, pour s’arrêter de penser.
Trois
ans que Milan s’en veut de n’avoir rien pu faire.
Trois
ans que Steven a fermé mes yeux, et qu’il avance dans le noir.
Cette
nuit-là les a marqués à jamais.
Et
chacun doit réapprendre à vivre, avec cette voix intérieure qui ne les quitte
pas. Cette voix qui ne cesse de grandir et ne s’arrêtera pas de parler. Pas
tant que les coupables n’auront pas payé.
Alors
que le passé ne leur laisse aucun répit, comment retrouver le fil de leurs vies
suspendues ?
Mon
avis :
Nos
Vies Suspendues est un roman poignant. Charlotte Bousquet nous propose un vrai
page-turner qui porte bien son nom tant il a mis ma vie en suspens, le temps de
ma lecture. Je l’ai dévoré d’une traite, tremblante de rage, de dégout et de
chagrin. On y suit deux jeunes femmes victimes de viol, trois ans après
l’agression. Trois années durant lesquelles elles ont dû vivre avec le verdict
injuste prononcé par le tribunal, une sentence inacceptable qui a mis leur
reconstruction en suspens. Malheureusement, c’est un sujet tristement d’actualité,
à une époque où les femmes sont encore bien trop souvent considérées comme coupables
de ce qui leur arrive. L’autrice choisit de montrer l’injustice et la réalité
brute : le fait que les plaintes pour viol n’aboutissent que très rarement
à un jugement satisfaisant. Ici, pas de super héroïnes prêtes à enfiler leurs
capes de justicières, mais de jeunes femmes détruites, abandonnées par la
justice et, par-dessus tout, culpabilisées. Comme si la sidération n’existait
pas, comme si sa beauté, son état d’ébriété, sa virginité ou sa tenue avait une
quelconque incidence sur la culpabilité des victimes. On découvre alors deux
jeunes femmes qui réagissent différemment à l’annonce du verdict, mais aucune n’est
plus légitime que l’autre. L’une s’est créée une carapace mentale, s’est
endurcie jusqu’à en devenir froide et insensible. L’autre s’est créée une carapace
physique, s’est oubliée au point de ne plus vouloir exister. Ce sont deux
femmes qui ne peuvent que toucher, deux personnages crédibles qui incarnent
tant de femmes à qui cela arrive chaque jour.
Et
soudain, une touche de fantastique. Elle déçoit presque, quand elle arrive dans
ce récit qu’on veut pourtant réaliste et juste. Mais une fois la surprise
passée, on se rend compte de l’intelligence de l’implication du surnaturel dans
cette histoire. À sa façon, elle personnifie des sentiments parfois difficiles
à appréhender, comme une douleur intérieure qui ronge et qui détruit. Tout au
long du roman, il est question de culpabilité. Des victimes, des agresseurs, des
silencieux, des allié∙e∙s. Des victimes, à qui on fait croire qu’elles l’avaient
peut-être un peu cherché, en exploitant la fameuse « zone grise » du
consentement. Des agresseurs, qui ont de plus en plus de mal de se convaincre
que cette zone existe. Des silencieux, qui auraient dû intervenir, qui auraient
pu changer les choses. Des allié∙e∙s, qui auraient voulu aider, mais qui n’ont
pas pu. Nos Vies Suspendues parle de culpabilité, mais aussi de reconstruction
et de résilience. Un roman percutant !
Je n'étais pas certaine de m'y intéresser (car je ne suis pas une grande fan de l'autrice, que j'ai trouvé très maladroite dans le seul roman que j'ai lu d'elle : "le jour où je suis partie"), mais ton avis me pousse à réviser mes réticences. S'il est disponible en bibliothèque je le lirai volontier ! Merci pour cet article très intéressant !
RépondreSupprimerC'est le premier roman de l'autrice que je lis et j'ai été très agréablement surprise ! Il y a juste quelque chose qui me turlupine à propos de la fin et je serais ravie d'en discuter avec toi, une fois que tu l'auras lu !
SupprimerTa chronique est vachement bien faite :O
RépondreSupprimerJe l'ai pas demandé celui-ci parce que c'est un sujet qui va me mettre tellement en rogne et du coup, ça va m'énerver bien trop et j'ai pas envie de ça >.<
J'arrive peut être après la guerre mais j'aime vachement les nouvelles couleurs du blog !
Bisous !
Oh mais tu es si chou ! Merci beaucoup !
SupprimerJ'ai hésité pour les mêmes raisons, j'ai beaucoup de mal avec la fiction sur ce genre de sujets, mais je trouve que les choix de l'autrice sont intéressants et donnent à réfléchir sur la notion de culpabilité. C'est un roman qui met en colère juste ce qu'il faut !
Et merci, j'avais besoin d'un petit rafraichissement. Je m'y sens mieux, maintenant :)
Ce roman me tente pour ce récit ancré dans notre réalité. Je suis curieuse de savoir comment intervient le fantastique pour que tu aies ressenti une légère déception avant de comprendre son utilisation.
RépondreSupprimerOh oui, si tu le lis, je serais ravie d'en parler. L'apparition du fantastique m'a complétement prise de court et je suis finalement très contente qu'il y soit !
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