Auteur : Ariel Holzl
Éditions Mnémos / Collection Naos
272 pages – 17€
Trois semaines séparent Tristabelle Carmine
du Grand Bal de la Reine. Trois semaines pour trouver la robe de ses rêves, un
masque, une nouvelle paire d’escarpins… et aussi un moyen d’entrer au Palais.
Car Tristabelle n’a pas été invitée. Mais ça, c’est un détail. Tout comme les
voix dans sa tête ou cette minuscule série de meurtres qui semble lui coller
aux talons.
En tout cas, elle ne compte pas rater la fête. Quitte à
écumer les bas-fonds surnaturels de Grisaille, frayer avec des criminels,
travailler dans une morgue ou rejoindre un culte. S’il le faut, elle ira même
jusqu’à tuer demander de l’aide à sa petite sœur. Car Tristabelle Carmine est une
jeune femme débrouillarde, saine et équilibrée. Ne laissez pas ses rivales ou
ses admirateurs éconduits vous convaincre du contraire. Ils sont juste jaloux.
Surtout les morts.
Mon avis :
Aaaah Tristabelle ! Quel déplaisir de la retrouver
après le premier tome consacré à sa sœur cadette. Elle avait déjà réussi à
faire forte impression en tant que personnage secondaire, il va sans dire
qu’elle est explosive en tant que personnage principal. Et être au centre de
l’histoire, elle aime ça. Elle ne laisse même pas le narrateur lui voler la
vedette. On pourrait croire qu’elle est moins antipathique et égocentrique que
ce que l’on pensait, qu’on la voyait à travers les yeux de sa sœur et que,
for-cé-ment, elle était plus sympathique qu’il n’y paraissait… Mais non. Elle
est bien, bien pire. Non seulement autocentrée, mais aussi dépourvue d’empathie
et terriblement intéressée. Et c’est un vrai plaisir de la suivre.
Les préoccupations de Tristabelle sont bien différentes de
celles de Merryverre : il lui reste trois semaines pour trouver un moyen
de participer au bal organisé par la reine, afin de postuler comme nouvelle
dame de compagnie. Cette mission est pour nous l’occasion de découvrir comment fonctionne
l’esprit tordu de l’héroïne de ce tome, qui ne recule devant rien pour parvenir
à ses fins. Tristabelle n’a aucune moralité et… c’est définitivement bien
pratique. Là où c’est intéressant, c’est que c’est fait avec tant d’humour noir
et d’exagération, le tout assaisonné de jeux de mots délicieux, qu’on obtient
un personnage caricatural à souhait et dont le pouvoir comique contrebalance le
côté horrible et détestable. Ce qui fait au final de Tristabelle un personnage
extrêmement agréable à suivre, parce qu’elle est surprenante et imprévisible. Belle
de Gris est aussi l’occasion de découvrir un pan de Grisaille qui n’intéressait
guère Merryverre et de voir à travers les yeux de Tristabelle les difficultés
rencontrées lorsque l’on ne fait pas partie de la noblesse. La roublardise de
notre héroïne est exacerbée pour caricaturer son côté sociopathe, mais elle
force aussi le respect. Partie de rien, pleine d’ambition, Tristabelle est une
femme forte qui sait obtenir ce qu’elle veut.
Sans surprise, j’ai tout simplement adoré ce deuxième tome.
Le simple fait de retrouver l’ambiance aussi sombre que loufoque de Grisaille
et la gouaille de l’auteur qui joue sur les mots et les anglicismes déjà, sans
parler bien sûr de ses personnages si bien dépeints et tellement originaux. Tristabelle
est exceptionnelle, toujours à la limite d’être détestable et pourtant si drôle
qu’elle en devient attachante. Elle arrive à prendre absolument toute la place,
nous faisant presque oublier nos inquiétudes pour Merry et le fait que Dolorine
soit bien moins présente dans ce tome. Là où Merryvère était un parfait
personnage d’introduction car plus proche de nous et à contre-courant des mœurs
de Grisaille, Tristabelle est là pour donner un bon gros coup de pied à nos
acquis en nous montrant l’envers du décor. Ce n’est pas pour rien que cette
saga gagne tous les cœurs et rafle tous les prix : on est sur de l’urban
fantasy de qualité, un univers hyper visuel, des personnages complexes, des
messages subtils et forts… En plus d’être vraiment drôle. Qu’attendez-vous ?
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